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Indulgences à la carte

Chroniques et points de vue

Présentation de l'éditeur L'accommodement, l'arrangement, le compromis, la compromission..., autant de mots pour dire les facettes d'une coutume qui, en l'absence d'un véritable état de droit, a longtemps régi les relations entre Siciliens. C'est à une enquête que nous convie l'auteur, une enquête avec ses méandres, ses surprises, comiques parfois, et nous découvrons peu à peu avec lui les racines d'une coutume sociale qui semble bien se confondre, à l'origine, avec les « bulles d'indulgence » chères à l'Église. On voit en effet le clergé vendre allègrement des « bulles de composition » qui assurent l'absolution pour une longue liste de méfaits selon un barème soigneusement établi, voire avec ristourne à l'évêque. Et ce qui apparaissait, au début, comme une hypothèse extravagante finit par se révéler, noir sur blanc, bien réel. Camilleri est un conteur, savoureux, enjoué, mais toujours lesté, au fond, par la gravité des problèmes qu'il touche ou soulève. Les problèmes de la Sicile, les aspects pittoresques mais douloureux d'une mentalité qui s'est forgée au fil des occupations étrangères, des avatars économiques, du féodalisme, de la politique des grands propriétaires terriens et de leurs milices, les « campieri », à travers les ambiguïtés populistes du brigandage et de la mafia. Tout cela suggéré ou révélé, raconté, comme sans y toucher, sur un ton d'ironie, parfois grinçante, avec tendresse. - Louis Bonalumi

L'auteur vu par l'éditeur Andrea Camilleri, compatriote et ami de Leonardo Sciascia, est né en Sicile, à Porto Empedocle, en 1925. Il a longtemps travaillé comme metteur en scène pour le théâtre et la télévision italienne. Depuis quelques années, il connaît un succès national et international aussi vaste que fulgurant avec une longue série de romans policiers dont l'action se situe en Sicile, dans la ville imaginaire de Vigàta, et qui ont pour héros le commissaire Montalbano. Une écriture personnelle, d'une sobre efficacité, rehaussée tout naturellement de locutions siciliennes, caractérise l'art de Camilleri. On lui doit également des récits ou chroniques inspirés de l'histoire sicilienne, où une critique acerbe perce sous l'apparente bonhomie de l'auteur. Il s'apprête à publier une grande fresque historique, Le roi de Girgenti. D'Andrea Camilleri, Le Promeneur a déjà publié Un massacre oublié.

Nota del traduttore Louis Bonalumi



`Indulgences à la carte´ mène l'enquête sur une hypothétique et déplorable coutume de l'Église, qui aurait consisté en la vente des `bulles de composition´; celles-ci étaient censées assurer l'absolution de nombreux méfaits selon un barème bien établi... Est-ce une extravagante invention ou ont-elles bel et bien existé? Et surtout, qu'ont-elles représenté dans la mentalité sicilienne? Camilleri analyse les données, avec tendresse et ironie. C'est passionnant et fourmillant d'informations.

La Libre Belgique, 26.03.2002

Camilleri, comme son ami Leonardo Sciascia, adore la chronique locale et la petite histoire. Indulgences à la carte est un petit chef-d'oeuvre de variation érudite et drôle autour des «bulles de composition». Vendues encore au XIXe siècle par l'Eglise sicilienne, elles garantissaient l'absolution pour nombre de méfaits et de crimes, dont le vol, selon un barème bien précis. «En même temps qu'un impôt en faveur du clergé prélevé sur le délit, il est une participation au vol et un vol lui-même», s'indignait en 1874 un juriste parlermitain cité par Camilleri. La «componenda» (en sicilien: arrangement, compromis sinon compromission) représente une des dimensions essentielles de la culture d'une île tour à tour dominée par les Arabes, les Normands, les Français, les Espagnols, puis les Piémontais et qui toujours a ressenti l'Etat comme lointain et oppresseur. On compose avec les autorités. On compose avec la mafia. «Les choses s'arrangent, un usage se crée et une forme de justice en dehors des lois officielles», écrit Camilleri. Le juge Giancarlo Caselli, piémontais qui choisit courageusement de devenir procureur de Palerme après l'assassinat de Giovanni Falcone, magistrat symbole de l'antimafia, reconnaissait lire les ouvrages de Camilleri pour comprendre la mentalité sicilienne. Cet écrivain est en effet un grand passeur. Dans les thèmes mais aussi dans la langue (son «italien sale» comme il l'appelle) où se mêlent italien et dialecte. Ces «sicilianismes» a priori incompréhensibles hors de l'île ont passionné les lecteurs de toute la péninsule qui s'amusent à en découvrir le sens par recoupement. Pour les traducteurs, c'est un véritable casse-tête. Serge Quadruppani, aux éditions Métailié, a choisi la sobriété, conscient de l'impossibilité de restituer en français toute la saveur de cette langue. Chez Fayard, Dominique Vittoz tente un mélange du français et du lyonnais, souvent avec bonheur. En revanche Louis Bonalumi au Promeneur se lance dans un charabia de néologismes gratuits et abscons du genre «l'accateur se tenant genouillouni comme à confesse».

Libération, 21.03.2002





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