Le Soir 03/11/2001
Montalbano revient et démissionne
JEAN-MARIE WYNANTS
Andrea Camilleri est de retour, en compagnie de son incontournable commissaire
Salvo Montalbano. En quelques années, Camilleri est devenu un phénomène
en Italie où ses livres se vendent comme des petits pains. Traduits
en français par Serge Quadruppani, ils ont également trouvé
leur public chez nous. Ce n'était pourtant pas évident tant
la langue de l'auteur sicilien s'avère bourrée de chausse-trappes,
d'expressions tordues et d'utilisations déjantées de parler
populaire, d'argot local ou d'expressions simplement inventées.
Quadruppani s'en tire néanmoins à merveille et parvient
à nous livrer dans un français complètement explosé
le meilleur des aventures de Montalbano. Cette fois pourtant, on reste
un peu sur sa faim. « La démission de Montalbano » est
en effet une suite de courts récits au suspense tout relatif. Les
intrigues trop souvent cousues de fil blanc ne tromperont pas l'amateur
de romans policiers. Une fois sur deux (si pas plus), on devine dès
le départ l'issue de l'intrigue. C'est un peu décevant mais
pas trop grave dans le cas d'un auteur comme Camilleri dont le principal
talent réside plutôt dans l'utilisation de cette langue délirante
et dans la manière subtile de nous raconter, au travers d'intrigues
policières, la Sicile d'aujourd'hui. On regrettera donc que, cette fois, plusieurs histoires se contentent de
l'intrigue policière
sans vraiment nous entraîner sur le terrain humain si brillamment
exploré dans les ouvrages précédents.
Une conclusion inattendue
Cela étant dit, un Camilleri est toujours bon à prendre
et ceux qui découvriront l'auteur à travers cet ouvrage ne
devraient pas s'ennuyer. Ses lecteurs fidèles trouveront aussi de
quoi s'amuser avec notamment une enquête résolue par le calamiteux
Catarella en personne et une autre donnant à l'auteur l'occasion d'utiliser
dans une aventure de Montalbano le style épistolaire dont il
s'est fait un spécialiste dans l'autre volet de son œuvre,
les récits à suspense historique. Sans oublier, au cœur
de l'ouvrage, la nouvelle donnant son titre au recueil. Une histoire courte
plutôt surprenante tant dans son style que dans son déroulement
et son contenu, l'auteur nous prenant carrément au dépourvu
avec une conclusion savoureuse et totalement inattendue.
« La démission de Montalbano » d'Andrea Camilleri,
éditions Fleuve Noir, 399 pp., 15 €