N'écoutant que son devoir, un berger, de son téléphone portable, alerte la police: il vient
de découvrir dans un bunker abandonné le cadavre d'une femme. Comme toujours dans les récits de
Camilleri, il ne faut pas se fier aux apparences, ce berger a sans doute quelque mobile caché,
et c'est tant mieux. Ainsi commence l'une des histoires auxquelles le commissaire Montalbano nous
convie ici, entre dégustation d'arancini et de rougets, méditation sur la plage et accès de mauvaise
humeur météorologique. Une fois de plus, Montalbano se régale à mener l'enquête au sein des
pittoresques habitants de Vigàta, ce bourg imaginaire de Sicile orientale rendu bien réel pour
des millions de lecteurs sous la plume d'Andrea Camilleri.
Comme toujours, Camilleri nous réjouit –en finesse–, dans cette suite de vingt récits inspirés
de faits divers. Mosaïque d'atmosphères et de tranches de vie, La Démission de Montalbano
évoque plutôt la chronique de village qu'un classique recueil de nouvelles… une chronique dont
chacun des incidents s'inscrit dans une continuité tenace: celle, fictionnelle, des autres enquêtes
du commissaire Montalbano, dont on retrouve ici plusieurs personnages au fil des histoires.
Chronique aussi d'une Sicile plus vraie que nature, qui résiste vaillamment, téléphone mobile mis à
part, aux sirènes du XXIe siècle. Cependant, si les trouble-fête, assassins et autres bandits
locaux sont rarement de vrais méchants, tout n'est pas rose dans la ville de Vigatà. Notre héros,
plongé dans une histoire qu'il juge trop violente et trop sanguinolente (La Démission de
Montalbano, qui donne son titre au livre), devra même téléphoner à son auteur pour exiger que
celui-ci ne le fourre plus dans des crimes si "gore"! Une pirouette narrative qui, aux côtés de
trouvailles de traduction savoureuses et de recettes à faire saliver un mort (les arancini
d'Adelina, la bonne, que Montalbano ne pourra déguster qu'en innocentant son voleur de fils),
devrait régaler l'amateur d'excellents polars, de patrimoine et de bonne chère. Empreint de l'ironie
humaniste dénuée de cynisme –caractéristique d'Andrea Camilleri–, La Démission de Montalbano
est aussi par sa variété une parfaite entrée en matière dans l'univers d'un auteur de best-seller
en Europe – et c'est bien mérité!
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