Chroniques et points de vue
Présentation de l'éditeur
Cent quatorze noms et prénoms, âges et lieux de naissance. Un seul et même jour de décès. Cent quatorze jeunes hommes tués en un même lieu, et jetés aux oubliettes de l'Histoire. Certes, ils ne furent ni les premiers, ni les derniers, mais il est tout à l'honneur d'Andrea Camilleri, leur compatriote, d'avoir ramené au jour de la chronique locale, donc de l'Histoire et de la conscience, le sort de ces bagnards siciliens, ces « serfs de peine » comme les qualifiait alors l'administration des Bourbon, qui payèrent ainsi, indirectement, leur tribut aux soulèvements libérateurs de 1848. Au reste, à travers les nouveaux notables, qui ne sont autres que les anciens (nous connaissons ces tours de passe-passe), les représentants de l'Unité italienne se gardèrent bien de sortir les cent quatorze cadavres de leur tombeau d'invisibilité et de silence : ne s'agissait-il pas d'exclus, d'individus mis au ban de la société ? Andrea Camilleri retrace minutieusement les lieux, les raisons, les rôles et les acteurs de cette tragédie insulaire, avec, parfois, une bonhomie souriante qui est comme un voile de pudeur jeté sur l'enfer obscène de ceux que broient l'injustice et la stupidité des événements ou des hommes, un voile jeté sur la violence, aussi, de son indignation, car c'est Porto Empedocle, son bourg natal, qui fut le théâtre de ce massacre oublié, renié, et qu'avec respect il remet en lumière. - Louis Bonalumi
L'auteur vu par l'éditeur
Andrea Camilleri, compatriote et ami de Leonardo Sciascia, est né en Sicile, à Porto Empedocle, en 1925. Il a longtemps travaillé comme metteur en scène pour le théâtre et la télévision italienne. Depuis quelques années, il connaît un succès national et international aussi vaste que fulgurant avec une longue série de romans policiers dont l'action se situe en Sicile, dans la ville imaginaire de Vigàta, et qui ont pour héros le commissaire Montalbano. Une écriture personnelle, d'une sobre efficacité, rehaussée tout naturellement de locutions siciliennes, caractérise l'art de Camilleri. On lui doit également des récits ou chroniques inspirés de l'histoire sicilienne, où une critique acerbe perce sous l'apparente bonhomie de l'auteur. Il s'apprête à publier une grande fresque historique, Le roi de Girgenti. D'Andrea Camilleri, Le Promeneur a déjà publié Indulgences à la carte.
`Un massacre oublié´ se penche sur la disparition de 114 jeunes hommes, des bagnards de Porto Empedocle. L'Histoire n'a pas retenu les noms de ces `serfs de peine´ qui se sont sacrifiés, en 1848, sous les Bourbons, pour l'unification italienne. En faisant ainsi oeuvre de mémoire, Camilleri opte pour une littérature engagée, consciente de sa dimension politique. Il ne s'éprouve, en cela, `ni pessimiste, ni fataliste´. Il adopte plutôt, comme Gramsci, le `pessimisme de la raison et l'optimisme de la volonté´, et il déclare que la littérature doit toujours donner du plaisir´.
La Libre Belgique, 26.03.2002
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